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NOMS ET PRENOMS
Comment ils nous influencent
A la naissance, nous héritons d’un nom de famille que nous porterons sans en être vraiment propriétaires. Nous recevons aussi un ou plusieurs prénoms, incarnation du choix personnel de nos géniteurs. Dès le berceau, une même succession de syllabes, une sorte de comptine obsessionnelle résonne donc à nos oreilles pour nous désigner. Après, à l’école, la cérémonie quotidienne de l’appel va nous renvoyer à cet assemblage de voyelles et de consonnes dont nous devons répondre. « en primaire, le matin, quand l’instituteur disait « Mireille Anan », j’entendais toujours « miréyanan » en un seul mot, c’était moi et pas moi, une sorte de double officiel aux consonances quasi exotique. Après, pendant la classe, elle nous appelait par nos prénoms et je rebasculais dans mon univers familier », se souvient Mireille, qui a abandonné son « miréyanan » au mariage. C’est dans l’enfance que nos noms sont les plus présents au quotidien. Les jeux de mots patronymiques font glousser toutes les cours de récré. Monsieur et madame Bon ont un fils. Comment s’appelle-t-il ? Il se prénomme Jean, pace que « jambon ». C’est petites plaisanteries provoquent aussi, plus singulièrement, le léger frisson du sacrilège.
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-ILS JOUENT SUR L’INCONSCIENT-
Comme si noms et prénoms recelaient un pouvoir, un je-ne-sais-quoi de sacré à mi-chemin entre totem et tabou. Chez les Hébreux, le nom de Dieu, Yaveh, qu’on épelait sans le prononcer tant il était sacré, n’était proclamé qu’une fois par an par les grands prêtres. Et la Kabbale, science confidentielle née de la mystique juive dont s’est entiché Hollywood, à la suite de Madonna, est fondée sur la puissance magique des noms, où chaque lettre de l’alphabet correspondant à un chiffre… Par un jeu complexe de symboliques et de signatures, nous sommes persuadés que nos noms ont forcément un effet sur notre inconscient. Nous nous amusons parfois à trouver des liens entre les patronymes et les destinées Un exemple ?
Sigmund Freud signifie… « victoire de la bouche ». Aujourd’hui, la prolifération ahurissante des prénoms gravitent en satellites autour des familles recomposées. Qui est l’allié de qui ? casse-tête quasi obligé au moment de la rédaction des faire-part. Les cérémonies cristallisent l’ambiguïté des situations. « Pour le mariage de ma belle-fille, sa mère, la première femme de mon mari, a semé la pagaille. Elle contestait ma présence sur les cartons d’invitation, sous prétexte qu’elle s’appelait toujours, elle aussi, Madame X., et qu’avec deux femmes portant le même nom, on allait la prendre pour la grand-mère… », se souvient une Madame X. n°2 qui a tenu bon pour ne pas être rayée de l’histoire. Il a même fallu créer de nouvelles expressions pour rendre compte de la complexité des alliances.
En 1987, quand nous avons commencé à travailler sur les familles recomposées, il n’y avait pas de mots pour désigner les enfants vivants sous le même toit sans partager des parents en commun. Pour les distinguer des demi, nous les avons appelés les quasi-frères. Plusieurs « quasi » dans la maison, ce sont autant de noms différents sur les boîtes aux lettres et d’explications à la Bretécher au moment des démarches officielles. Avec la possibilité du double nom grâce à la nouvelle loi, une femme mariée pourra transmettre son nom à des enfants nés de lits différents. Ce qui établira un lien rassurant d’une couvée à l’autre. Paradoxe. Les noms sont vécus comme précieux, tout en étant souvent banals. Sur les cinq patronymes français les plus portés- Martin, Bernard, Dubois, Thomas et Robert, quatre sont de simples prénoms, héritage de l’époque où se sont formés les noms de famille. Après le premier millénaire, les noms de baptême n’ont plus suffit pour désigner tout le monde sans s’emmêler les pinceaux. Peu à peu, prénoms, surnoms, lieux-dits, métiers… se sont donc transmis aux descendants.
Ont surgi des Clopin (boiteux), des Violon (petit chemin dans le forez), des Stéphane devenus Estève en langue d’Oc, Estèbe en gascon, Etiemble en Normandie. Il y a aussi des Labitte (casseurs de pierres), des Lacrotte (qui habitent un creux), qui ont eu moins bonne pioche. « Quand j’étais ado, je disais en me présentant pour désarmer les plaisanteries : je m’appelle Lanus, riez un bon coup, ça sera fait, explique Caroline, qui a fait changer son nom en Lans à sa majorité. Enfants, ça nous a pourri la vie. Nous redoutions le moment de passer au tableau. Notre père a demandé une modification pour nos frères, encore mineurs. Il disait : « Les filles, pas la peine, elles se marient… » Un nom singulier paraît souvent jouer plus de tours que les autres, peut-être parce qu’il attire l’attention et le rend plus sensible aux coïncidences… « Quand nous avons déménagé à Epernay, nos parents avaient déniché un appartement rue Desfesses… Avec nos frères, nous avons refusé l’adresse. Nous nous souvenons aussi d’une soirée très chic où un huissier annonçait les invités. Juste après nous- mademoiselle Lanus- est entré un monsieur Lemerdeux… Fou rire général. »
« C’est toujours se couper d’une histoire, d’une transmission », souligne Philippe Grimbert qui raconte, dans « Un secret » (Grasset), comment, après la guerre et l’horrible folie des camps où des proches avaient été engloutis, son père avait choisi Grimbert à la place de Grinberg, « lavé de ce « n » et de ce « g », ces deux lettres devenues porteuses de mort ». Dans ce saisissant récit à peine travesti de son enfance, l’auteur a surtout modifié… les noms des personnages. Un changement qui lui a permis de « mettre de la distance », tout en éclaircissant sa place dans la généalogie. « Notre nom nous inscrit dans l’histoire familiale autant qu’universelle, notre prénom dans le désir de nos parents », souligne-t-il. A la naissance, de nombreuses fées se penchent au-dessus des berceaux pour proposer des petits noms. La mode plaide aujourd’hui pour des prénoms courts, terminés par des voyelles. Quand le milieu social met son grain de sel, Victoire ou Tanguy sont les chouchous des familles à particule, Béatrice ou Damien appréciés à la campagne… La mémoire du clan n’est pas en reste avec la reprise du prénom des grands-parents, d’une cousine ou d’un oncle bien-aimé… En général, un nouveau-né hérite d’une appellation qui a déjà une histoire.
Léa, Manon, Emma, Clara pour les filles…
Lucas, Théo, Mathéo, Enzo pour les garçons.
Les plus portés : La France compte 357.000 Monique, 355.000 Nathalie et 349.000 Catherine, 640.000 Michel, 526.000 Pierre et 508.000 Jean.
Les deux séries TV qui ont eu le plus d’influence sur le choix des prénoms : « Les gens de Mogador », diffusée en 1972, a vu fleurir les Ludivine, et « Belle et Sébastien », programmée en 1965, a donné des milliers de Sébastien. Une mode qui a connu son apogée en 1977, où un garçon sur dix-huit l’a reçu en prénom.
Enfants de Stars, prénoms bizarres : Bonne chance à… Inca, le fils de Florent Pagny, Chastity, la fille de Cher, ou Zowie, le fils de David Bowie…
La mode des prénoms change vite et le palmarès s’en trouve bouleversé cette année !
En 2012 : Lucas reste n°1 de loin, mais Manon vole la première place à Emma.
Chez les filles : Louise et Zoé s’envolent, Maëlys et Léa s’écroulent, Héloïse et Jeanne débarquent, Jade et Romane s’en vont.
Chez les garçons : Jules et Arthur cartonnent, Mathis et Mathéo s’effondrent, Ethan et Sacha s’imposent, Enzo et Léo disparaissent.
Tendances 2013 : Dans la suite du palmarès, on peut voir certaines tendances s’affirmer. Parmi ces prénoms se trouvent sans doute les succès de demain.
Les classiques chics : Albane, Alix, Diane, Charlotte, Victoria chez les filles, Albin, Camille, Côme, Edouard, Maximilien chez les garçons.
Les prénoms rétro : Emile, Joseph, Lucien, Octave, Léandre, Basile et Léopold ; Lison, Louison, Zélie, Luce, Ninon, Madeleine et Cléophée au féminin.
Les prénoms bibliques : Salomé, Samuel, Isaac, Nathanaël, Ruben, Joshua, Elie et Joachim.
Les prénoms « à références » : Achille, Clovis, Roméo, César ; Bérénice, Cassandre, Pénélope.
Les prénoms nature : Flore, Clémentine, Hortense, Capucine, Iris et Rose.
Les nouveaux prénoms : Célian, Mahé, Noam, Elian, Nathaël, Mika, Loïs, Nathéo, Manoa et Manoé côté garçons ; Izia, Maé, Liséa, Maéline, Thaïs, Eléana, Méline, Eloane, Juline, Méloée côté filles.
Les prénoms bretons : Ewen, Malo, Melvin ; Annaëlle, Enora, Eloane, Lilwenn et Maïwenn…
Les prénoms anglo-saxons : Lenny Owen, Ashton, Oliver, Swann ; Emmy, Alyssa, Romy, Ella, Kayla, Mya…
Les prénoms latinos : Diego, Andrea, Tiago, Elias, Gianni, Alessandro ; Avia, Elia…
Les prénoms arabes : Issa, Kenza, Lila, Lina, Alya, Assia, Aya…
Les prénoms slaves : Roman, Milo, Vadim et Sasha (au féminin).
Les prénoms asiatiques : Tao et Hanaé.
Les scandinaves : Nils et Solveig.
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-Quelques dates-
1539- L’ordonnance de Villers-Cotterêts donne obligation de tenir des registres de baptême en langage maternel français (et non plus en latin).
1876- Création du livret de famille.
1993- La fameuse loi du 8 janvier spécifie que les parents peuvent choisir librement pour leurs enfants les prénoms qu’ils souhaitent (et non plus uniquement parmi ceux des saints du calendrier, tant qu’ils ne sont pas extravagants), mais les officiers d’état civil veillent à éviter les excentricités, du type Mégane Renault.
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