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Les artistes médiums
Léonard de Vinci avait remarqué que, si l'on fixait intensément un vieux mur décrépi, on voyait s'y dessiner toutes sortes de configurations. Le mur fonctionne alors comme un test de Rorschach. Les tendances, motivations, préoccupations préconscientes ou inconscientes du sujet sy trouvent exprimées, parce que la projection a pour effet de structurer une situation informelle, en pleine conformité, sous un angle théorique, avec les lois de la perception définies par la psychologie gestaltiste.
*** Luiz Gasparetto ***
Le peintre médiumnique le plus rapide dans l'exécution de tableaux est sans conteste Luiz Gasparetto. En mars 1978, le brésilien a exécuté, devant des millions de téléspectateurs, près de 21 tableaux en soixante-quinze minutes ! En état de transe, il travaillait sur plusieurs tableaux à la fois, parfois des deux mains et dans des styles aussi différents que ceux de Cézanne, de Renoir ou de Picasso. Encore plus curieux : ces tableaux étaient d'une facture parfaite, mais ils étaient réalisés à l'envers ! Ce qui a provoqué les plaintes de nombreux téléspectateurs, persuadés que la chaîne de télévision passait le film en accéléré et en inversant les bobines .
Revenu à un état de conscient, Luiz Gasparetto s'est montré incapable de peindre quoi que ce soit, à plus forte raison d'imiter plus de vingt styles différents. Son seul souci aura été de se concentrer sous l'intense lumière des projecteurs de la télévision, lui qui était habitué à n'entrer en transe que dans une semi-obscurité propice à l'inspiration. Ce brésilien a fait des déclarations qui se rapprochent nettement de celles de Matthew Manning ( un autre médium ). Lui qui affirme pouvoir parler avec les artistes qui l'inspirent, ou même les voir, a trouvé Pablo Picasso très violent. Il a expliqué par la suite : « Si quelqu'un murmure à côté de moi, il est capable de jeter le dessin qu'il est en train de me transmettre. » Gasparetto a fait de ces séances de peinture psychique une sorte d'industrie : après chaque démonstration, les tableaux sont vendus aux enchères et le produit des ventes est remis, conformément à la règle des spirites brésiliens, à des oeuvres charitables.
*** Fernand Desmoulin ( 1823-1902 ) ***
Il connut en son temps une certaine notoriété comme peintre et comme graveur. Il se prenait parfois, avec une espèce de fureur qu'on observait n'a guère chez les tenants de la peinture gestuelle, à peindre ou à dessiner à l'encontre des règles les plus élémentaires de l'art. A vrai dire, il ne savait plus ce qu'il faisait. Et ce qu'il a raconté à ce propos vaut toutes les paraphrases et tous les commentaires. « Un soir, écrit-il, ma main armée d'un fusain se mit à tracer des ovales enchevêtrés les uns dans les autres, des paraphes, des griffonnages sans nom, confus et inextricables. Lorsque ma main s'arrêta au bout de vingt minutes, la feuille de papier était totalement noircie et rien ne pouvait y être distingué. Mais, en la retournant, je constatai que ce gribouillage que je croyais informe représentait un visage de femme que j'avais tracé à l'envers sans me rendre compte du travail accompli. Et, dans un coin, en guise de signature, on pouvait lire : Je suis l'instituteur. »
Il n'est pas indifférent que ce soit à l'envers que l'inconscient farceur d'un artiste par ailleurs trop attaché aux normes picturales de son époque arrive à se manifester en déjouant, comme dans le rêve, le lapsus ou l'acte manqué, les mécanismes de défense et la censure d'un surmoi rigoureux Mais cette remarque, de nature psychanalytique, laisse de grands pans d'ombre sur l'interprétation qu'il resterait à faire de l'énigmatique inscription et sur la signification de l'ensemble Quelle sorte de désir ou de menace le tout présentait pour la personnalité profonde du peintre ? Comme nous ne connaissons pas suffisamment bien l'homme et l'oeuvre, nous ne nous risquerons pas sur ce terrain trop peu sûr.
Il n'est pas jusqu'au vautour que Freud lui-même trouva dans une toile célèbre du non moins illustre Léonard de Vinci qui n'ait prêté à la contestation, et ce, de la part des psychanalystes mêmes. C'est dans la mesure- notons-le tout de même- où Desmoulin s'est mis dans la situation d'oublier ce qu'il savait de la peinture ou du dessin, qu'alors l'automatisme a pris la relève, et a conduit sa main avec d'autant plus de sûreté et de rapidité dans l'exécution, qu'ont disparu chez lui inhibitions et sens critique. Mais comment expliquer d'autres cas ? Qu'en est-il des compositions, naïves certes, et marginales, de tant de dessinateurs et de peintres sans formations intellectuelles ni artistique décelables ?
Relèvent-elles du paranormal, ou bien beaucoup plus banalement de la psychologie de la création ? L'exemple d'Augustin Lesage, longuement étudié par Eugène Osty en 1927, paraît assez significatif.
*** Augustin Lesage ( 1876-1954 ) ***
Né à Saint-Pierre-les Auchel en 1876, Augustin Lesage, à l'école, n'avait aucune disposition pour le dessin. Sa culture générale était celle d'un ouvrier qui, après avoir passé ( avec succès ) le certificat d'études primaires, avait pris comme la plupart de ses camarades prolétaires le chemin de la mine. Un jour qu'il était au fond, dans une galerie isolée- c'était en 1911, et il avait trente-cinq ans- , il entendit très distinctement une voix qui disait : « Naie crainte, nous sommes près de toi Un jour, tu seras peintre ! » Or, il n'y avait personne d'autre dans les parages. D'où peut venir cette voix ? Le boyau de la galerie était désert. Lesage est à la fois stupéfait et effrayé. Et il ne dira rien à personne, pas même à sa femme ; il redoute qu'on le prenne pour un fou. Quelques jours plus tard, alors qu'il est encore seul dans son boyau, la même voix retentit lui annonçant encore qu'il sera peintre. Cette fois, il est réellement épouvanté. De toute façon, être peintre ne l'intéresse pas ; à l'école primaire, il était mauvais en dessin ! Depuis l'âge de quatorze ans où il entra comme galibot ( apprenti ) dans les mines de Fernay près de Béthune ( Pas-de-Calais ), les noirs labyrinthes des entrailles de la terre, le paysage sombre des terrils et l'épaisse fumée des cheminées de la fosse constituent son seul univers. Sa voie est toute tracée : labeur et routine.
*** APPRENTI MEDIUM ***
L'engouement spirite qui avait saisi l'Europe à la fin du 19e siècle ne s'était pas encore calmé et Lesage découvre le spiritisme. Il découvre la possibilité de communiquer avec les esprits ; cette révélation le bouleverse. Et si les voix de la mine, c'était cela ? Avec quelques amis, néophytes comme lui, il tente l'expérience de l'écriture automatique. Guéridon, obscurité propice. Au bout d'une dizaine de minutes, la table vacille, se dandine et finit par se diriger vers lui, le désignant comme médium. Son bras se met à trembler de façon incontrôlable. Un participant dispose alors du papier et un crayon, la main d'Augustin s'en empare, et trace le message suivant : « Les voix que tu as entendues sont une réalité. Un jour, tu seras peintre. Prends à la lettre ce que nous te dirons et un jour ta mission s'accomplira. »
La médiumnité de Lesage stupéfie son entourage. Le premier « esprit » qui se manifeste, signant messages et dessins, est celui de sa sur Marie, morte à trois ans. Lors d'une séance, la dictée de l'invisible sinterrompt. Son crayon reste immobile puis, à toute vitesse, écrit : « Aujourd'hui il n'est plus question de dessin mais de peinture et tes oeuvres seront soumises à la science. C'est nous qui tracerons par ta main. Ne cherche pas à comprendre. Surtout suis bien nos conseils. Tout d'abord, nous allons te donner par l'écriture les noms des pinceaux et des couleurs que tu iras chercher. » Il reçut ainsi les instructions nécessaires quant au matériel à employer : toiles de telle qualité et de tel format, pinceaux et brosses de telle sorte, couleurs de telle ou telle marque. A charge pour lui de se laisser guider par les « esprits » lorsqu'il serait à pied d'oeuvre.
*** LES PREMIERS COUPS DE PINCEAU ***
Très impressionné, Lesage attend devant la toile vierge. Rien. Puis le miracle s'accomplit. Sa main s'anime : sans tracer le moindre plan, elle commence à travailler dans un petit coin, minutieusement et, millimètre par millimètre, dans une lente progression de la gauche vers la droite, elle finira par couvrir tout le tableau. Un véritable travail de miniaturiste et il faudra à Lesage une année entière pour achever cette première oeuvre dont le résultat final ne ressemble à rien de connu ! Rapidement, la peinture devient sa passion, sa joie. A peine rentré de la mine, exténué, il se jette sur ces pinceaux. Dès qu'il se met à l'ouvrage, sa fatigue s'évanouit, il entre dans une sorte d'extase. Il entend retentir « un carillon délicieux », qui s'arrête dès qu'un bruit extérieur vient frapper son oreille ( grincement de porte, conversation, etc.). D'autres tableaux suivent. Lesage s'en sent si peu l'auteur qu'au début il les signe Marie ( prénom de sa petite sur décédée ) ou Léonard de Vinci. Et tout au long de sa vie, il répètera :
« Mes mains n'ont su servir que la pelle et le pic. Sans mes guides invisibles qui les ont utilisées comme instrument d'un art pour lequel je n'ai aucun don, elles n'auraient connu que le rude travail de la mine. » Jamais, avant de peindre une toile, il n'a la moindre idée de ce quelle représentera. Et lorsque, poussé par une force intérieure, il commence à travailler, il ignore comment s'organiseront les motifs qu'il exécute, ni ce que sa main va peindre. Le tableau se construit détail par détail. Ses guides lui ont dit de ne pas chercher à savoir ce qu'il fait. Il s'abandonne : « Quand je commence une toile, à aucun moment je ne sais ce qui va suivre. Et j'ignore à quel endroit de la toile le tableau sera terminé. Des fois, d'après ce qui reste de toile nue, je crois qu'il y en a encore pour beaucoup de jours : mais ma main prend le crayon et trace une ligne. C'est l'endroit où il faut couper la toile. Le travail est fini. »
Et Lesage, qui ignore tout des suivants, des pigments, des mélanges, de la composition et du dessin, se met à peindre comme un forcené. Toutes les nuits, en rentrant de la mine, et tous les dimanches. Il se sent investi d'une mission. Ses guides, écrit-il, veulent démontrer par sa main la survivance des esprits : « Ils me disent que je suis un missionnaire qui vient démontrer l'art spirite devant l'Les expositions se succèdent et connaissent un succès fracassant grâce à ses thèmes obsessionnelles : l'Egypte ( principalement ), le christianisme ( têtes de Christ, vierges, croix, saints, vitraux, tabernacles ), les anciennes civilisations orientales qu'il réinterprète à sa manière, la magie, et bien sûr le thème de l'au-delà.
En 1927, il est invité à l'Institut métapsychique international où, du 6 avril au 10 mai 1927, il réalise une toile de deux mètres sur un mètre cinquante en travaillant de sept heures à onze heures et de quatorze heures à dix-huit heures sous le contrôle constant du docteur Osty. Un procès-verbal est dressé et légalisé par le commissaire du 17e arrondissement. La méthode de travail de Lesage est plus que déconcertante. Ses toiles, bien que très élaborées et construites géométriquement, ne sont jamais précédées d'une esquisse ou d'un dessin. Les observateurs disent qu'il peint « à une allure égale et folle, à la façon d'une machine, avec précision, sans à-coups ».
*** DES GALERIES AUX SALONS MONDAINS ***
Ses guides l'assurent qu'il est arrivé « à l'apogée de son premier apostolat » et le font changer de manière. Ses motifs deviennent plus exubérants ; il enrichit ses oeuvres d'oiseaux et de personnages qui fixent le spectateur. Devenu le héraut de la cause spirite et la coqueluche de la presse, Lesage propage la bonne parole auprès de prestigieux interlocuteurs. Il rencontre ainsi l'écrivain Arthur Conan Doyle, la comtesse de Noailles et le célèbre médium Pascal Forthuny. Les salons lui font fête. Mais le succès des expositions, les réceptions chez les notables n'affectent pas la modestie de Lesage. Il va répétant qu'il ne mérite pas tant d'honneurs et refuse de monnayer ses oeuvres : il les donne à ceux qu'il juge dignes de les recevoir ou alors il les facture de façon à rembourser seulement ses fournitures et son temps d'exécution calculé d'après le salaire d'un mineur !
En 1928, il devient sociétaire du prestigieux Salon des artistes français : « Mes guides m'avaient fait atteindre le rang le plus élevé auquel un peintre peut accéder, moi, le mineur qui n'avait rien appris. » Sous l'influence spirite, il intègre à ses compositions de plus en plus de personnages- Bouddha, Confucius, Lindbergh et l'impératrice Elizabeth dAutriche- même si c'est l'Egypte ancienne qui demeure sa principale source d'inspiration. En 1922, la découverte du tombeau de Toutankhamon avait enflammé les esprits. L'égyptomanie se répandait. Lesage la vécut de façon intense. Adepte de la théorie de la réincarnation, il croit avoir été, dans l'une de ses existences antérieures, un ouvrier des pyramides dans lesquelles il se rend en dédoublement et où il se sent chez lui. Du reste, une de ses plus célèbres toiles représente, à la manière bien égyptienne, une scène de moisson.
*** EGYPTOMANIE ***
Quand, en 1939, Lesage se rend enfin en Egypte, il vivra une étrange aventure dans la Vallée des Reines. Deux ans auparavant, les archéologues avaient mis au jour un tombeau contenant divers sarcophages ainsi que la tombe personnelle d'un des scribes de Thoutmosis IV, un certain Mennah. Augustin Lesage demande à visiter ce tombeau. Le choc de sa vie l'y attend. Sur le mur, au milieu d'une grande fresque, s'étale « sa » scène de la moisson, telle qu'il la peinte. Il est convaincu d'avoir été le scribe Mennah et d'avoir peint cette fresque il y a quelque trois mille quatre cents ans, sous la 18e dynastie : « Une émotion puissante et complexe s'empara de moi. Il s'établit entre la peinture et moi une indéfinissable correspondance comme si je ne pouvais plus discerner si je venais de la peindre ou seulement de la retrouver Et la joie, une joie immense m'envahissait, la joie dun exilé qui retrouve son village »
Détail important, la fresque peinte pour le tombeau de Mennah n'ayant jamais été reproduite, Lesage ne pouvait donc s'en être inspiré. Cette anecdote illustre le rôle que le peintre médiumnique pensait devoir tenir : prouver aux sceptiques et aux hommes de science que les esprits peuvent communiquer avec nous, en nous inspirant des oeuvres. Aujourd'hui, l'oeuvre de Lesage nous pousse à réfléchir sur les racines de notre inconscient. Pas étonnant que l'écrivain surréaliste André Breton ou le défenseur de l'art brut Jean Dubuffet se soit passionné pour ces étranges tableaux à la beauté venue d'ailleurs C'est ainsi que Lesage se trouva être l'auteur de grandes compositions décoratives ( certaines atteignant trois mètres de côté ) ayant pour caractéristiques principales la profusion des détails, la répétition de motifs identiques, et une construction rigoureusement symétrique.
Ces tableaux suggéreraient une inspiration égyptienne ou orientale. Imprégnation peu explicable chez quelqu'un qui n'avait jamais voyagé et, du moins apparemment, ne s'était jamais soucié d'art . C'est seulement à partir de 1923 qu'il se vouera tout entier à la peinture, c'est-à-dire à l'âge de quarante-sept ans ; mais, comme il mourut en 1954, il eut le temps d'accomplir une oeuvre assez abondante. Cependant, si l'Institut métapsychique international, en la personne d'Eugène Osty, s'est intéressé au cas Lesage, c'est moins parce que ses tableaux sont assez remarquables, moins parce que sa « vocation » se manifeste sur le tard et se réalise plus tardivement encore que parce qu'y interfèrent les ingrédients les plus classiques du spiritisme Sans quoi Lesage eût tout bonnement été considéré comme un « peintre du dimanche » parmi tant dautres.
« Oui, un mineur est ici, à la Sorbonne, au milieu de toutes ces célébrités scientifiques du monde entier », écrivait Augustin Lesage à son fils en octobre 1927, lui joignant une photo où on le voyait entouré d'un aréopage de célébrités. L'irrésistible ascension de ce peintre médiumnique qui laissa quelque huit cents toiles hors des sentiers battus de la création artistique commençait. Qui aurait imaginé qu'un homme condamné à travailler à plusieurs centaines de mètres sous terre, qu'un simple mineur de fond, étranger aux problèmes de l'art et de la spiritualité, allait créer une profusion de toiles dont la beauté, l'étrangeté et l'inspiration mystique éblouiraient critiques, artistes, spécialistes de la métapsychique, psychiatres et médecins ?
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http://www.metapsychique.org/Un-Schmurz-dans-le-monde-de-l-art.html
http://fr.wikipedia.org/wiki/Channelling
http://www.astrotheme.fr/portraits/JAWCPMnGf37W.htm
http://parasciences.dyndns.org/parasciences/article.php3?id_article=13
http://perso.orange.fr/resonancespirituelle/Lesage.html
http://spirite.free.fr/sujetdumois/sujet2.htm
http://www.articite.com/fiches-lz/351.htm
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- Bibliographie -
René Louis « Dictionnaire du Mystère » 1994
Revue « Facteur X »- Fascicule N° 50- 1996- Editions Marshall Cavendish
La taverne de l'étrange- 7 avril 2007 (mise à jour :19/11/2012)