Un autre regard sur le monde, une autre vision... 4 millions de visiteurs ont franchit la porte. Qu'attendez- vous ? Gardez l'oeil ouvert et le bon si possible... Tyron
LE DIABLE PEUT-IL MENER LE MONDE ?
C’EST LE VRAI PROBLEME POSE PAR LE FILM « LA MALEDICTION »
Comme dans le film « l’Exorciste » auparavant, La Malédiction s’attaque au problème du mal. Mais, cette fois-ci, c’est le grand jeu. Il ne s’agit plus d’un simple cas de possession, nous voyons à présent la réincarnation du Diable en personne dans le corps d’un enfant dont le père est candidat à la Maison Blanche. Ce film, tourné par Richard Donner (L’Arme Fatale), le réalisateur de la série Kojak, d’après un scénario de David Seltzer, est l’un des plus fantastiques jamais tournés.
Voici l’histoire- Dans une clinique de Rome, une femme met au monde un enfant mort né. Un vieux prêtre énigmatique propose à Robert Thorn, le père (Grégory Peck), riche diplomate américain, de substituer au cadavre un bébé abandonné. Pendant les cinq premières années, tout se passe à merveille. Puis en Angleterre, où Robert Thorn a été nommé ambassadeur des Etats-Unis, le jeune Damien donne des signes inquiétants. Il est pris de crises de nerfs à la seule vue d’une église. Les animaux s’affolent dès qu’il s’approche d’eux. Il terrorise sa mère qui s’éloigne peu à peu de lui et, finalement, est responsable de la mort de sa nurse. Le vieux prêtre romain réapparaît alors. Pris de remords, il avoue alors au malheureux père que Damien n’est pas un enfant ordinaire. C’est le Diable. L’Antéchrist annoncé dans l’Apocalypse. Il faut mettre hors d’état de nuire, définitivement, sinon il tuera tous ceux qui contrecarreront ses desseins. Tout le monde s’interroge en particulier sur la signification d’un verset de l’Apocalypse selon Saint-Jean dans le film :
« Quand les juifs retourneront à Sion, qu’une comète traversera le ciel et que le Saint-Empire romain redeviendra puissant, alors, vous et moi, nous mourrons. »
C’est la proclamation de la venue de l’Antéchrist, la « bête dont le nombre 666 »- vive dans les hautes sphères de la politique et de la finance paraît encore plus inquiétant car on commence à se demander si la réalité ne dépasserait pas la fiction. Le Diable n’est pas un croquemitaine bon à effrayer les enfants. Sauf pour les athées, évidemment, car il a une existence réelle, autant que Dieu. Les différentes religions, à de très rares exceptions près, affirment d’une manière catégorique l’existence d’un principe du mal personnalisé dans le christianisme par Satan. Croire au Diable est un article de foi pour les chrétiens. Si Jésus, ainsi que le disent les Evangiles, chassait le démon du corps des possédés, c’est bien qu’il y croyait. Les Pères de l’Eglise témoignent fréquemment des assauts du Malin qu’ils ont eu à subir. La vie des Saints est également riche en témoignages. En 946, Saint-Luc eut affaire en Grèce à un démon tout noir. En 988, Saint-Dunstan fut attaqué par un diable-loup. En 1152, Satan apparut à Sainte-Elizabeth à plusieurs reprises sous forme de taureau, de chèvre, de porc et de moine. En 1179, Saint-Dominique priait quand le Diable se présenta à lui déguisé en crocodile.
Ces récits gênent les théologiens contemporains. Certains n’ont pas hésité à se servir des acquis de la psychologie moderne et de la psychanalyse pour identifier les pseudo-manifestations diaboliques à des fantasmes. Néanmoins, cette thèse est contraire aux enseignements traditionnels de l’Eglise. Saint-Thomas d’Aquin précisait d’ailleurs formellement :
« Il faut savoir que certains veulent que les démons ne fussent que des imaginations. Mais la foi catholique veut que les démons soient quelque chose de réel. »
La possibilité pour le Diable de s’incarner dans le corps d’un enfant n’est pas une idée originale de David Seltzer. « Avoir le Diable au corps » est d’ailleurs une expression révélant une vieille croyance. Au Moyen-âge, on pensait en effet que les bambins offraient moins de résistance à l’empire du démon que les adultes disposant, quant à eux, des armes de la foi. Au XIIIe siècle, à Nuremberg, un enfant de sept ans fut précipité vif dans un chaudron d’huile bouillante sous prétexte qu’il était habité par le malin. Selon les croyances de l’époque, la possession pouvait se faire pendant la grossesse de la mère, le Diable prenant la place du fœtus (c’est le thème en quelque sorte du film Rosemary’s Baby) ou après la naissance. On peut rapprocher de ces cas d’enfants habités par le Diable en personne les enfants des démons. Les deux plus grands démonologues du XVIe siècle, Jean Bodin et Pierre Delancre, affirmaient que les démons incubes pouvaient s’unir aux démons succubes et enfanter des enfants hideux nommés « cambions ». On les reconnaissait à leurs poids, beaucoup plus élevé que celui des enfants normaux. Dans ses Colloques, Luther affirme que ces enfants ne vivaient que sept ans. Il raconte qu’il en vit un qui criait dès qu’on le touchait et qui riait aux éclats quand il arrivait quelque chose de sinistre dans la maison où il se trouvait. Luther, s’il faut en croire ses écrits et ceux de ses premiers disciples, eut souvent affaire au Diable. Un religieux vint un jour frapper à sa porte en demandant à lui parler. Introduit auprès du réformateur, il lui déclara :
« J’ai découvert quelques erreurs dans vos libellés contre le pape. » - Parlez, répondit Luther. L’inconnu souleva alors quelques objections auxquelles il trouva facilement réponse. Mais chaque nouvelle question était plus ardue que la précédente et le moine exposa bientôt des syllogismes très embarrassants. Luther, dont la patience n’était pas la qualité première, lui dit brusquement : « Vos questions sont trop embrouillées, j’ai pour le moment autre chose à faire que de vous répondre. » C’est alors qu’il s’aperçut que le prétendu moine avait le pied fendu et les mains armées de griffes. – N’es-tu pas, lui dit-il, celui dont la naissance du Christ à dû briser le cœur ? Ton règne passe, ta puissance n’est plus dangereuse et tu peux retourner en enfer ! » Le Diable, qui s’attendait à un combat d’esprit et non à un assaut d’injures, se retira tout confondu en gémissant sur l’injustice des hommes à son égard.
Rappelons que cette anecdote n’a pas été colportée par des ennemis du père du protestantisme. C’est lui-même qui la raconte dans ses ouvrages. Et il eut bien d’autres aventures diaboliques. Dans un texte curieux intitulé Colloquium Lutherum inter et diabolum (colloque de Luther avec le Diable), il écrit que, s’étant une fois réveillé vers minuit, Satan lui apparut et l’éclaira sur les erreurs du catholicisme, l’engageant à rompre définitivement avec Rome. Un autre jour, alors qu’il était en train de rédiger un sermon, Satan vint le distraire. Luther, excédé, voulut lui jeter son encrier au visage, mais le Diable s’esquiva et l’encrier alla se briser sur une colonne. Aujourd’hui encore, au couvent de Wittemberg, le guide montre la tache d’encre aux visiteurs.
FAUT-IL VRAIMENT CROIRE AU DIABLE ?
Le pape Paul VI en tout cas en était persuadé à l’époque, lors de la sortie du film. A la surprise d’un grand nombre d’observateurs croyant revenir à des temps révolus. Sa Sainteté Paul VI a dénoncé à plusieurs reprises la responsabilité du Malin dans les troubles de toutes sortes que connaît le monde. Certes, La Malédiction est avant tout une entreprise commerciale. Son but est de faire des dollars, non de dénoncer le retour en force de Satan. Mais le Diable n’aurait-il pas pris ombrage de cette nouvelle dénonciation ?
Toute une longue série d’incidents, absolument inexplicables, ont failli endeuiller le tournage du film. Lors d’un tournage à Rome, la foudre tombe sur l’arc d’Hadrien, à deux pas de l’endroit où se trouve le metteur en scène. Le lendemain d’une scène située dans un parc zoologique, le gardien chargé de protéger les acteurs est dévoré par un tigre. Un avion-taxi décommandé au dernier moment prend l’air avec cinq passagers et heurte en plein ciel un vol d’oiseaux. Aucun survivant. A Londres, le bar où Grégory Peck prend ses repas pendant le tournage est plastiqué par des terroristes irlandais le seul jour où l’acteur ne s’y trouve pas. Grégory Peck avait d’ailleurs failli trouver la mort quelques jours auparavant quand l’avion l’amenant de Los Angeles fut frappé par la foudre en vol. Le surlendemain, le même avatar survient au Boeing dans lequel le metteur en scène a pris place.
« A la fin, raconte Richard Donner, tout le monde sur le plateau portait des crucifix. Et, croyez-moi, ce n’était pas un jeu. » Le seul élément rassurant, dans cette affaire, c’est que le fameux verset de l’Apocalypse est un faux. David Seltzer l’a inventé de toutes pièces pour les besoins de la cause. Toutefois, il ne s’agit que d’un détail minime. Le principal demeure. Sans doute le Diable cornu aux pieds fourchus des récits moyenâgeux est un mythe. Il n’empêche que les forces du mal nous menacent peut-être. Et cela ne doit pas être pris à la légère.
*
La taverne de l'étrange- 5 novembre 2009