De l'eau à l'état liquide coule à la surface de Mars : c'est ce que vient d'annoncer la Nasa en présentant une étude menée depuis plusieurs années. Ces écoulements, suspectés depuis longtemps, ne correspondent en rien au cycle de l'eau terrestre. Ils seraient créés par l'absorption de l'humidité de l'atmosphère par des sels minéraux. Une découverte qui renforce l'attrait de Mars et dont il faudra tenir compte dans les prochaines étapes de l'exploration robotique et humaine de cette planète.
Les stries noires visibles à gauche sur cette image en fausses couleurs ont été formées par des écoulements d'eau salée. C'est ce que démontre une analyse indirecte. © Nasa/JPL, Caltech/Univ. of Arizona.
Les récentes découvertes de Curiosity ont démontré que Mars a été habitable dans un passé lointain. Combien de temps a duré cet épisode ? On l'ignore. Et à quand remonte-t-il ? Des milliards d'années sûrement mais combien ? Des réponses à ces questions dépend la possibilité qu'une forme de vie ait pu émerger, voire perdurer si ces conditions favorables à la vie sont toujours présentes aujourd’hui sur Mars.
Cette possibilité peut sembler saugrenue tant la planète Mars apparaît aujourd'hui peu propice à l’apparition de la vie. Mais elle prend tout son sens avec l’annonce de la Nasa qui confirme que de l’eau à l’état liquide s’écoule sur les flancs d'un cratère. Certes, ce n’est pas de l’eau de source : elle est saturée en sel et, dans cette atmosphère froide (bien au-dessous de 0 °C) et à très basse pression (quelques millièmes de la pression terrestre au sol), elle ne reste liquide que très peu de temps. Son destin est soit de geler soit de s'évaporer. Mais ces phénomènes représentent un indice fort laissant à supposer qu’un environnement habitable aujourd’hui n'est pas à exclure.
Des traces d'écoulements récents ont depuis longtemps été repérées à la surface de Mars sur les pentes inclinées de certains cratères. De nouvelles analyses montrent qu'il s'agit de saumure. Il serait intéressant d'y envoyer un rover pour les étudier plus en détail. © Nasa/JPL, Caltech/Univ. of Arizona
Du sel comme antigel
La découverte repose sur des observations anciennes. En 2011, des chercheurs de l’université de Tuscon, en Arizona, ont observé des écoulements saisonniers vus par la sonde MRO (Mars Reconnaissance Orbiter) et avaient conclu qu'il s'agissait d’eau mais sans en avoir aucune preuve. On en serait resté là sans la persévérance d’une équipe de chercheurs – dont la Française Marion Massé, post-doctorante au laboratoire de Planétologie et géodynamique de Nantes –, qui a pu analyser le sol par spectrométrie. L'étude a montré que les traces d'écoulements récents (donc après la disparition d'eau liquide) contiennent des sels mélangés à un peu d'eau. On y trouve des chlorates et des perchlorates de magnésium et du perchlorate de sodium.
Cette saumure, contrairement à l'eau pure, peut rester liquide dans la faible pression atmosphérique de Mars. Leur hydratation proviendrait de l'absorption de l'humidité contenue dans l'atmosphère, jusqu'à rendre cette substance liquide et capable de s'écouler si la pente est suffisante. Les travaux, annoncés dans un communiqué de la Nasa, sont décrits dans un article de Nature Geoscience et présentés à Nantes lors d'un congrès de planétologie qui se tient actuellement.
Les sels dissous dans l'eau, laquelle proviendrait de l'humidité de l'atmosphère (pourtant très faible), lui permettent de rester liquide dans les conditions de pression et de température au niveau du sol martien. Du moins un certain temps. © Idé
Des cibles prioritaires de prochaines missions martiennes ?
La découverte, bien sûr, n'est pas celle d'un long fleuve tranquille. Cette eau liquide n'existe qu'en très petite quantité dans des écoulements s’étirant sur quelques centaines de mètres, larges de plusieurs mètres et épais de seulement 1 ou 2 centimètres. Cet état liquide ne peut subsister que lors des mois d’été avant de s’évaporer à l’automne. Il n’est pas totalement exclu que des micro-organismes puissent s’y développer pendant cet état liquide mais l'hypothèse n'est pas vérifiable depuis l'orbite. Il faudrait aller sur place, souligne la Nasa, toujours en recherche de crédits.
Se poseraient alors la question de l’accessibilité de ces terrains et celle de l’opportunité de reconsidérer le choix des sites d’atterrissage du rover jumeau de Curiosity qui sera lancé en 2020. Si cette découverte suscite pour la communauté scientifique de nouveaux espoirs quant à la présence de vie sur la Planète rouge, elle offre également aux planificateurs des futures missions habitées la promesse de disposer de zones d’atterrissage où l’eau pourrait être recueillie naturellement, voire consommée après traitement…