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AGOBARD ET LES MAGONIANS
Des extraterrestres au Moyen Âge ?
Tout au long du Moyen Âge, des récits évoquent des contacts avec des créatures vivant « entre les anges et les hommes ». L’un des textes les plus célèbres est celui d’Agobard (779-840), archevêque de Lyon, dans la première moitié du IXe siècle.
Ce texte, cependant, n’est pas fait pour accréditer de telles histoires. Au contraire, le Liber contra insulsam vulgi opinionem (le Livre contre les stupides préjugés du peuple) est destiné à lutter contre ce que l’archevêque estimait être les superstitions de son siècle. C’est dans la partie intitulée De grandine et tonitruis (De la grêle et du tonnerre) qu’il s’insurge contre les histoires de « peuples des airs » qui courent parmi la population de la région. Voici un extrait du texte :
« Nous avons vu et entendu beaucoup de gens fous et assez insensés pour croire et affirmer qu’il existe une certaine région, qu’ils appellent la Magonie, d’où sortent des vaisseaux qui voguent sur les nuages ; ces vaisseaux (disent-ils) emportent dans cette région les fruits tombés à cause de la grêle et détruits par la tempête, après que le prix du blé et des fruits a été payé aux tempestaires par les navigateurs aériens qui les ont reçus. Nous avons même vu plusieurs de ces fous qui, croyant à la réalité de choses si absurdes, exhibèrent devant la foule quatre personnes enchaînées, trois hommes et une femme, qui, prétendaient-ils, étaient tombés de ces vaisseaux. Après les avoir gardées quelques jours en captivité, ils les avaient amenées devant moi, suivies par la foule afin qu’elles soient lapidées. Après de longues palabres, la vérité ayant fini par prévaloir, ceux qui les avaient montrées au peuple se retrouvèrent, comme le dit le prophète, dans le même état de confusion qu’un voleur capturé. »
Traduction anonyme, Lyon, 1841.
L’INCIDENT DE LYON
Dans le De grandine, Agobard s’attaque aux idées de ses contemporains concernant le climat. Des paysans croient alors que des phénomènes naturels, comme l’orage ou la grêle, résultent de l’action de sorciers appelés « tempestaires » (tempestarii), qui sont en relation avec des êtres originaires d’un pays mystérieux situé entre terre et ciel appelé « Magonie ». Ils passeraient avec eux des pactes qui conduiraient les « Magonians », voyageant sur des navires (naves) aériens, à déclencher des intempéries désastreuses pour les cultures. Les deux parties se partageraient alors les fruits touchés et les animaux foudroyés ou noyés. Pour se prémunir contre de tels méfaits, les paysans ne connaissent qu’un remède : ils plantent dans les champs de grands mâts chargés de formules magiques. « Rationaliste » avant la lettre, l’empereur Charlemagne interdit, dans ses Capitulaires, une pratique si « superstitieuse ». Le texte d’Agobard s’inscrit dans le même combat. Or, l’archevêque de Lyon a de bonnes raisons de connaître ces croyances : on lui a amené un jour trois hommes et une femme que la foule accusait d’appartenir à la race des voyageurs aériens et qu’elle voulait lyncher. Agobard finit par démontrer aux Lyonnais leur erreur et sauva la vie des prisonniers. Selon une autre version, qui ne résulte pas du témoignage d’Agobard, les quatre « aériens » auraient bel et bien été tués puis jetés dans le Rhône après avoir été attachés à des planches.
LES ÊTRES DU CIEL
De même, dans nombre de textes anciens, païens ou chrétiens, apparaissent des êtres qui, quoique supérieurs aux hommes, ne sont pas d’essence divine puisqu’ils sont mortels comme eux. Ils sont dotés d’une grande science et savent se déplacer dans le ciel, d’eux-mêmes ou sur des « vaisseaux ». Dans l’Antiquité, un Plutarque croit à l’existence de tels êtres : pourquoi la nature n’aurait-elle rien prévu pour remplir le vide qui existe entre les mortels et les divins immortels ? Plus tard, au XVIe siècle, un autre auteur, Montfaucon de Villars, dans ses Entretiens sur les sciences secrètes, relate une anecdote qu’il fait remonter aux premiers temps de l’ère carolingienne : les créatures intermédiaires, que lui-même appelle Sylphes, ont décidé un jour de se montrer à visage découvert et sont descendus sur la Terre dans leurs vaisseaux aériens pour prouver qu’ils étaient innocents des crimes qu’on leur attribuait. Expérience inutile, apparemment, puisque des capitulaires de Charlemagne puis de Louis le Pieux fixent que seront imputées des amendes à tout homme et toute femme disant venir du ciel et qui sera capturé. Pour convaincre les Terriens, et de leur existence et de leurs bonnes intentions, les Sylphes auraient alors enlevé certains d’entre eux et leur auraient montré les beautés de leur pays d’origine. Puis ils les auraient reconduits indemnes sur la Terre. Mais les voyageurs involontaires auraient été pris à leur tour pour des sorciers ou des créatures diaboliques : arrêtés, torturés, ils auraient finalement été exécutés. L’épisode de Lyon se situe dans ce contexte. Les êtres aériens, par la suite, semblent faire preuve de plus de prudence. Les observations les concernant se font moins nombreuses, mais elles émanent parfois de personnages de haut rang : ainsi le roi Charles le Chauve raconte avoir un jour été entraîné par une créature d’« une blancheur éclatante » et munie d’« une arme jetant une lueur extraordinaire, comme celle d’une comète » (Paris, manuscrit de la Bibliothèque nationale). Rares sont ceux qui, à l’instar du sceptique Agobard, ne croient simplement pas que de telles créatures puissent exister. Les arguments de l’archevêque de Lyon sont d’ailleurs eux-mêmes bien étonnants pour un esprit moderne : l’impossibilité du phénomène résulte, pour l’auteur chrétien, d’arguments purement métaphysique- la puissance de tels êtres amoindrirait celle de Dieu.
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L’ANCRE DU VAISSEAU DES NUEE
Plusieurs textes du haut Moyen Âge (un Speculum regale- Miroir des rois- contant les exploits des héros légendaires irlandais, le Konungs Skuggsia norvégien de 950, l’Historia brittonum du Gallois Nennius de 826, ou le Mirabilia irlandais) contiennent la relation d’un incident très proche de celui que raconte l’archevêque Agobard. Un jour de fête, une ancre attachée à un vaisseau des nuées tombe du ciel et se coince en rencontrant un obstacle. Un des êtres aériens descend alors « en nageant » dans les airs et tente en vain de décrocher l’ancre. Il échappe de peu à la population accourue et s’envole vers le vaisseau. La corde est coupée, et celui-ci s’éloigne. Si les versions diffèrent dans les détails secondaires, toutes racontent néanmoins à peu près la même séquence d’évènement. Encore au début du XIIIe siècle, l’Anglais Gervaise de Tilbury, dans son Otia imperiala (les Divertissements pour l’empereur), signale une apparition similaire, qui se serait produite peu de temps auparavant. Cette fois, le « plongeur » aérien aurait eu moins de chance et serait mort dans l’aventure.
Ces récits apparaîtraient comme d’archaïques légendes si un incident similaire, à quelques détails près, à ceux qui y sont rapportés ne s’était produit à l’époque contemporaine. Le 26 avril 1897, un énigmatique vaisseau aérien apparaît à Merkel, au Texas. Son ancre tombe accidentellement et reste engagée sur le sol ; un « plongeur » descend pour libérer le vaisseau… L’histoire fait la « une » des journaux du pays. Or, il est bien difficile d’imaginer que des paysans texans aient été influencés par la lecture de Gervaise de Tilbury ou par celle des textes des IXe et Xe siècles…